Située à 80 km au sud de Port-au-Prince (3 heures en voiture), cette ville peut se targuer de conserver les traces de ce qu’elle fût jadis, un véritable joyau touristique dont s'enorgueillissent les jacméliens. Débarquer dans cette ville provoque presque un sentiment de malaise tellement le contraste nous est choquant. Si l’on peut distinguer la beauté architecturale et l’élégance des bâtiments de cette station balnéaire, il n’en demeure pas moins qu’à présent, ce diamant brut se cache sous des murs de désolation, des fatras et débris de toutes sortes, qui rappellent la catastrophe du tremblement de terre qui a secoué le pays tout entier le 12 janvier 2010.
Jacmel et ses 40 000 habitants n’ont pas été épargnés. En l’espace de quelques secondes, cette petite ville côtière s’est retrouvée sous l’emprise d’un spectre maléfique, l’arrachant à sa vie tranquille. C’est l’hécatombe. Aucun rituel vaudoo n’aura pu conjurer ce mauvais sort. Jacmel porte le deuil de plus de 500 âmes. Depuis lors, elle ne s’est pas relevée. Les abris de fortune sur la place Toussaint Louverture, lieu de mémoire de l’affranchissement des noirs et de la révolution haïtienne en témoignent. Plus en retrait, dans les champs en jachère, un village de tentes à l’enseigne des Nations Unies regroupent d’autres familles abandonnées à elles-mêmes. Le soleil continue à déposer ses chauds rayons sur ce coin de paradis mais plus rien n’est pareil…
Il y eut certes naguère une économie prospère. Une simple promenade dans le centre historique de Jacmel nous ramène à cette période vibrante et faste; les façades délabrées de nombreux magasins et cafés datant du 19e siècle en font foi. Ce havre de paix a d’ailleurs toujours été fréquenté par les visiteurs. Plus de 25 000 touristes y séjournaient encore tout récemment selon les statistiques du ministère du tourisme.
Ici, la vie essaie tant bien que mal de suivre son cours; les artisans tout comme les quelques hôtels et restaurants des environs ont rouverts leurs portes. Ils espèrent tous l’arrivée des touristes, grands blancs des ONG et la diaspora haïtienne, fidèle et nombreuse, pour apaiser leurs souffrances.
Un an et demi, jour pour jour s’est écoulé depuis ce drame. Jacmel n’a peut-être pas conservé son flegme d’antan, mais pour celui ou celle en quête de plaisirs doucereux…cette côte du littoral caribéen demeure malgré tout envoûtante !
La misère est quand même plus supportable au son des vagues qu’à travers la désolation de Port-au-Prince qui croule sous la misère omniprésente d’une population en exode.
Le plus tragique, c’est de voir et sentir le désoeuvrement de cette population moins bien nantie, victime de l’inertie du gouvernement. Sans travail ni espoir d’une vie meilleure, l’Homme perd de sa dignité.